Sanctuaire de Tortues Géantes, Îles Galapagos, Equateur. 10h. Nous avons passé les dix dernières minutes à admirer cet animal de 350kg si impressionnant. Nous avons bien regardé, pris plein de photos, et nous avons chacun eu notre portrait tiré à son côté. Le groupe s’éloigne pour observer le prochain spécimen. Comme ils s’en vont je reste auprès de l’ancêtre : sans que je sache pourquoi, je n’arrive pas à la quitter des yeux. Accroupi à quelques pas de son corps gigantesque, je ne fais que regarder cette créature vieille de 150 ans. Soudainement elle allonge son long cou pour projeter sa tête vers moi, ouvre grand ses yeux et me regarde. Sa bouche s’ouvre légèrement comme pour essayer de me dire un secret important. Je souris et respire calmement, profitant de chaque seconde de cette rencontre étonnante. Je devine une présence : deux visiteurs tournent le coin du chemin et s’arrêtent à la vue de notre curieux tête-à tête. Je remercie la tortue silencieusement, lui jette un dernier regard, inspire profondément, et me lève lentement. Son cou se rétracte au ralenti et ses paupières se referment.
***
Aéroport de Baltra, Îles Galapagos, Equateur. 11h. L’agent d’enregistrement explique à notre guide que nous arrivons trop tard pour notre vol. Avec de la chance nous partirons sur le prochain vol dans une heure, sinon sur le suivant. Après 5 jours d’immersion dans la nature et la faune sauvage, nous sommes de retour dans un monde plein de règles et d’horaires. Ça me fait l’effet d’une douche froide assortie d’une bonne gifle. Les gens autour de moi, qui étaient si calmes et relaxés pendant notre expédition deviennent soudainement stressés, lançant des commentaires amères et furieux sur le personnel de la compagnie aérienne, sur notre guide qui aurait dû s’assurer que nous arrivions à temps, etc. Bla Bla Bla. Je peux presque palper le stress. Je respire à pleins poumons et me souviens du visage de la tortue géante. En un éclair je réalise ce qu’elle essayait de me dire. Les mots résonnent dans ma tête, la voix grave du Mondoshawan dans Le Cinquième Elément : « Le temps est sans importance. Seule la vie est importante. » Je souris à moi-même et attends calmement que l’agent d’enregistrement arrange la situation, totalement détaché de l’agitation qui m’entoure.
Cédric, 2 avril 2012
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