3h du matin: sortie de l’aéroport de Chennai. Je repère deux soldats avec des armes automatiques en bandoulière qui discutent nonchalamment, et je leur demande où se trouvent les taxis : ils attendent en dehors de l’aéroport. L’air est chaud et moite, empli de senteurs inconnues et désagréables. Une pause rapide au distributeur de billets pour me procurer des devises locales : « carte refusée ». Distributeur suivant : même résultat. Je me vois déjà dans un taxi sans moyen de payer pour la course. Troisième distributeur : succès !
Muni d’une liasse de roupies je me dirige vers la zone d’attente des taxis. Une foule de centaines de personnes est agglutinée autour de la sortie, certains brandissant des panneaux portant le nom du passager qu’ils accueillent. Je pousse un soupir de soulagement à la vue de l’ardoise affichant « Mr. Brehaut ». Des douzaines de chauffeurs de taxi sont là sur le parking, fumant des cigarettes sans filtre et tapant la causette comme s’il n’était pas 4h du matin. Notre voiture ressemble à une réédition de la Peugeot 304 de l’inspecteur Columbo et elle est cernée de toutes côtés. Après un échange de coups de klaxon et de mots fermes, la voie s’ouvre et nous prenons la route pour l’hôtel – en tous cas je l’espère.
Le conducteur et moi communiquons en anglais… mais cette langue nous sépare autant qu’elle nous rapproche. Il y a deux hôtels Raintree à Chennai et je prie en silence pour qu’il m’emmène au bon endroit. Quand nous sortons de la grande avenue et pénétrons dans un dédale de ruelles sombres je commence à me demander si ce type n’est pas en train de m’emmener dans un coin tranquille et isolé où ses copains me soulageront de mes possessions avant de m’abandonner avec ou sans slip. J’évalue les comportements possibles. 1 : Demander poliment s’il est sûr que nous allons dans la bonne direction. 2 : Exiger qu’il me dépose ici tout de suite (et après je fais quoi ?). 3 : Enfiler mon costume de James Bond et sauter de la voiture en marche. La litanie du Bene Gesserit résonne dans ma tête :
La peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale.
J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi.
L’Hôtel Raintree apparaît tel un phare éclairant la nuit noire.
Cédric, 22 mai 2011
(Voyage à Chennai trip en décembre 2010)
*: Frank Herbert [Dune]
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