I, Robot

Aéroport de Los Angeles. Je choisis un sandwich et le tends à la caissière.
– « Bonsoir, comment allez-vous ? » demande t-elle.
J’ouvre la bouche pour glisser un « Bien, et vous ? » aussi poli qu’automatique mais à la place je me sens poussé à dire la vérité :
– « En fait je suis épuisé. La journée a été longue. La semaine aussi. »
– « Je suis fatiguée moi aussi. Je n’arrivais pas à dormir la nuit dernière. Est-ce que ça vous arrive aussi parfois ? »
– « Oh oui. Le corps est fatigué mais le cerveau ne veut pas s’arrêter. »
Bientôt nous tapons la discute comme de vieux amis, révélant nos trucs pour trouver le sommeil lors de ces longues nuits où compter les moutons n’est pas suffisant. J’aime me concentrer sur ma respiration. Elle préfère se lever et boire un verre de lait. Nous rions. Quand il est temps de dire au revoir nous ne sommes plus des inconnus. Nous avons établi une connexion. L’échange était réel.

Plus tard quand le personnel de bord appelle les passagers de Première Classe à embarquer dans l’avion mes pensées errent. J’imagine ce que le monde serait si nous disions ce que nous pensons à la place de toujours jouer un rôle et de donner la réponse attendue…

Dîner dans un restaurant huppé :
– Comment est votre poisson du jour ?
– A moins que vous ne vouliez être malade il serait plus sage de commander du poulet.

Durant une réunion d’affaires :
– Vous voulez commander des sandwichs et continuer à bosse en mangeant ?
– Non. Je préfère sortir de cette salle de réunion déprimante.
– Super idée ! On peut pique-niquer dans le parc au coin de la rue.

De bon matin à l’accueil de l’hôtel :
– Avez-vous bien dormi ?
– Non. Les voisins ont fait crac-crac jusqu’à 3h du matin.
– Je sais. Ils m’ont empêché de dormir aussi.

La voix dans le haut-parleur appelle mon groupe pour l’embarquement. Alors que je monte dans l’avion l’hôtesse répète les mêmes mots à chaque passager :
– « Bienvenue à bord. Comment allez-vous ? »
Je hoche la tête, un faux sourire aux lèvres.

Être un robot est tellement plus facile que d’être humain.

 

Cédric, 27 Septembre 2012